17/05/19
François, ce texte en « quilt » aurait dit Butor, en guise de clin d’œil vers nos récits de déplacements !
Pour ta lecture des Sédiments (c’était en 2008),
Pour m’avoir fait connaitre Danielle Collobert,
Pour Daewoo, Tumulte, Proust est une fiction…
Pour les leçons de littératube,
Pour les mains dans le “cambouis” au Show Gourmand et les cafés à Cergy,
Pour la suite.
Bien à toi,
Virginie
À l’instant où l’on croit que commence le voyage, tout est déjà en mouvement, enclenché
depuis un rouage interne qui n’est pas le début d’une idée
Un jour on a pris la carte sur les genoux
La géographie c’est ce qu’on ne connaît pas encore
Je dois marcher encore très loin d’ici
(Certains diraient qu’elle marche)
Je croyais avoir pris l’habitude mais c’est faux
Il y avait des petits morceaux de terre parfois. Ils étaient étroits, tout en longueur.
La géographie on s’en moque
Ils m’ont dit demande aux gens des calèches si on peut passer à cette saison. Ils craignent que
ce soit un peu juste, l’eau est encore partout
Il y a pourtant des repères, des gens croisés chaque matin, à la même heure
Une mer intérieure, pas bien grande, mais elle m’emplit tout entier
Il faudrait parler de la peau de l’eau
C’est une eau tranquille, dormante, comme on dit
Organiser la mémoire en prenant lentement repères
En ajoutant lentement un nom à un autre nom
C’est la répétition qui compte
Au fond de tes poches, un anneau de fer forgé, un fil de nylon noué en larges boucles, un petit
couteau, quelques pièces et toutes une collection de briquets
Il arrive que tu sois complètement perdu, que tu ne saches plus si c’est vers le sud ou l’ouest
et dans quel quartier
Et pour le reste
Prenant lentement repères
Sans se préoccuper de l’ordre
Le nom écrit transversalement sur la gare et qu’on voit fuir
La profusion
La rue qui s’en va en tournant
Dégustation d’un monde où fixer est impossible
Toujours marcher du côté de la main qui écrit (c’est un pense-bête)
À chaque voyage, les grands générateurs de littérature brève
Finalement on appelle roman un livre parce qu’on a marché un matin dans ce hall où tout était
devenu géométrie pure
Revenu dans la conserverie vidée et pillée
Un monde, une machine
Une machine considérable
Un monde d’une étendue considérable s’était ouvert en travers du nôtre
Une gare, s’il faut situer
C’est la répétition qui compte
Trouble léger dans le vent. On est là, on s’achemine
Tout est près, très près, là devant, tout à la fois, d’un coup, tout revenu
Sans se préoccuper de l’ordre
La machine, la mémoire
Tout est vert
L’inventaire
Ajoutant lentement un nom à un autre nom
La rue qui s’en va en tournant
Le temps qu’on sépare
La profusion
C’est le onzième jour de marche, le sol est un ciel qui bouge très lentement. Il n’y a presque
aucun effort à faire
Et pour le reste c’était à nous d’apprendre
À dresser les cartes
Descente de la rue en pente, descente calme et fuyante
Je partant
Terrain vague, temps vacant
Une étendue de promesses au milieu desquelles vous êtes amarré
En même temps. Si tu t’appuies sur le bois du môle sous toi l’eau s’écoule, et ruine le mur du
palais, les premières marches. La ville s’enfonce peu à peu
Il y a ces étangs du dimanche, creusés en arrondi au bulldozer, et tout autour des bancs sans
dossier ni ombre
Les carrières converties en étangs de pêche, le paysage tout entier remonté en surface
Puis, comme une ville qui, pendant que le train suit sa voie contournée, nous apparaît tantôt à
notre droite, tantôt à notre gauche
On disait qu’ailleurs dans les étendues (tout le monde disait, les étendues)
Les divers aspects qu’un même personnage aura pris aux yeux d’un autre, au point qu’il aura
été comme des personnages successifs et différents, donneront — mais par cela seulement —
la sensation du temps écoulé.
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Virginie Gautier
Virginie Gautier étudie en école d’art puis développe une pratique artistique autour des questions d’espace, de perception et de déplacement qu’elle poursuit aujourd’hui en écrivant. Elle a publié aux éditions du Chemin de Fer, éditions Publie.net et Joca Seria. Est engagée dans la recherche et création littéraire à l’université de Cergy-Pontoise (Paris Seine) où elle anime des ateliers d’écriture. Et codirige la collection L’esquif, poésie chez Publie.net. Blog : http://carnetdesdeparts.blogspot.com