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François Bon n’existe pas

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den Kaiser – diese Weltseele – sah ich durch die Stadt zum Rekognoszieren hinausreiten; – es ist in der Tat eine wunderbare Empfindung, ein solches Individuum zu sehen, das hier auf einen Punkt konzentriert, auf einem Pferde sitzend, über die Welt übergreift und sie beherrscht.

 

François Bon n’existe pas.

Et pourtant, j’ai eu peur de lui, comme on peut avoir peur d’un nom - ou d’un fantôme.

Il était là, il hantait l’espace numérique que je commençais à habiter et il n’était pas bienveillant. Une autorité, qui me niait sa légitimation.

J’avais raison d’avoir peur.

La première fois que j’ai tenté d’entrer en contact, d’échanger avec lui, il m’a agressé. Il a eu raison. A-t-il eu raison? Je suis un imposteur et il l’a tout de suite compris. Il se manifeste ainsi, comme une fonction éditoriale, un juge. Un algorithme. Il n’existe pas. Il est un PageRank de la littérature.

“J’aime pas les z’universitaires”, m’a-t-il écrit. Point.

J’ai essayé à nouveau: “je ne m’occupe pas d’écriture numérique”, m’a-t-il cette fois répondu.

J’ai laissé tomber. Démasqué par ce spectre. À Paris, j’ai regardé autour de moi, pensant que je pourrais l’apercevoir par hasard. Puis j’ai découvert qu’il n’habitait pas Paris.

Il n’habite probablement nulle part. Ou alors il habite dans son site, ou parmi les bots qui peuplent les plateformes en ligne. Il n’est nulle part, je ne peux pas le rencontrer. Il n’existe pas.

Quelques années plus tard, j’écris un texte - que je ne publie pas - disant que François Bon est comme le Napoléon de Hegel: une sorte d’Âme du monde. Mais je n’ai pas vu le cheval blanc.

Finalement je le rencontre, il me saute au cou, il me dit que nous sommes amis.

On mange ensemble, on rigole. Puis il disparaît à nouveau dans ce monde fait de signes. Il bâtit. Il construit. Il structure.

François Bon n’existe pas. Comme l’auteur qui est mort, mais qui continue d’écrire. Des millions d’inscriptions qui se multiplient, comme quand, après une journée de code, le script tourne finalement et produit de l’écriture, des fichiers, des contenus, des idées. Comme par magie.

François Bon est comme les fantômes : je sais qu’ils n’existent pas, mais j’en ai peur.

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Marcello Vitali-Rosati

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Marcello Vitali-Rosati enseigne la littérature numérique à l’Université de Montréal. Selon sa théorie, François Bon est une dynamique d’éditorialisation - ou du moins c’est ce qu’il raconte à ses étudiants.

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